Contexte

Les défaillances de l’assainissement non collectif représentent une menace pour la santé publique et l’environnement. En effet, ce ne sont pas moins de 60 % de la population qui sont tenus de traiter leurs eaux usées via un système d’assainissement autonome non collectif. Or, 90 % des infrastructures actuelles sont non conformes, s’avérant défaillantes (mauvaise conception, dispositif obsolète ou traitement insuffisant), rejetant tout ou partie des eaux usées brutes dans le milieu naturel. A ce triste tableau, s’ajoutent des évacuations et des vidanges sauvages illégales et aux conséquences désastreuses sur la biodiversité, la qualité de l’eau des rivières et de baignade de la Martinique.

Jusqu’à il y a peu, seule la CACEM disposait d’une installation de prétraitement de ces boues issues principalement des fosses septiques situées sur son périmètre ainsi que celles du centre de l’île.

C’est peu pour un territoire comme la Martinique, dont les axes routiers saturés rendent le transport de ces matières long, risqué, onéreux et polluant.

Naissance d’un projet innovant

Cet état des lieux est à l’origine du projet innovant et écologique de la société 2TDA qui vise la construction de plateformes de traitement pour servir l’ensemble du territoire.

Grâce au cofinancement de l’Union Européenne dans le cadre du programme opérationnel « FEDER-FSE 2014-2020 Région Martinique », de l’Etat, de la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM), de l’Office De l’Eau de Martinique (ODE) et de l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) et la Mairie du Marigot, la première plateforme « Essainia » a pu être inaugurée en mars dernier au Marigot. Un projet validé par l’ensemble des acteurs de l’eau et des deux communautés d’agglomération du Sud et du Nord de l’île.

Si l’idée de ce projet a germé il y a 20 ans sous la forme d’une pré-étude, il n’a pris sa forme opérationnelle qu’en 2014, nous confie Jean-Marc Ampigny, Gérant de la société 2TDA sarl porteuse du projet Essainia.

Qu’est-ce qu’Essainia ?

L’enjeu du concept consiste à mettre à la disposition des professionnels chargés des vidanges de fosses septiques des plateformes de traitement des boues à proximité des zones concernées par l’assainissement non collectif. Mais, outre cette mise à disposition, l’innovation proposée par Essainia, en plus de leur traitement, réside dans la valorisation de ces boues et de leur fraction liquide.

Comment se déroule le processus ?

Dans le Nord atlantique, les vidangeurs dont l’entreprise est référencée auprès d’Essainia, peuvent dépoter les boues sur la plateforme du Marigot.

Concrètement, sur l’enceinte du site, le vidangeur raccorde sa citerne au prétraitement. A ce stade, s’opère déjà un contrôle de la conformité des matières. Celles-ci sont ensuite canalisées vers une cuve d’homogénéisation où elles sont aérées. Les boues ainsi préparées sont admises dans des bennes filtrantes, dites unités de séparation et de filtration, où s’opère une séparation de phases.

En ressortent, d’une part, une eau industrielle (désinfectée puis stockée) qui sera réutilisée soit en eau de lavage ou de remplissage des cuves des camions hydro-cureurs ; Et d’autre part, des boues conformes aux normes (épaissies) valorisées en compost par le Centre de Valorisation Organique du Robert (exploité par la société Idex).

Le montant global du projet du Marigot s’élève à deux millions cinq cents mille euros. Son objectif vise un traitement de 60 à 80 m3/jour de boues, soit le contenu d’une dizaine de camions par jour.

L’utilisation de cette nouvelle plateforme ne manque pas d’effets positifs attendus :

  • augmentation du taux de collectes de boues de l’ANC du Nord (donc hausse de la productivité des professionnels)
  • réduction de la pollution diffuse des eaux de rivières et du littoral
  • le respect des obligations d’entretien inhérentes à cette filière
  • réduction des temps de transport et des nuisances avec pour corollaires : économie de pneus, de carburant, réduction significative des émissions polluantes de CO2,

Selon Elodie Nauleau, Ingénieure en charge du pilotage du projet Essainia depuis pratiquement un an : « Ses effets positifs doivent contribuer à un meilleur respect des obligations d’entretien des filières d’assainissement non collectif en Martinique ». Elle ajoute « il s’agit d’un enjeu collectif, aussi, sommes-nous en pleine réflexion pour associer les partenaires à une action de sensibilisation, de communication vers le particulier ».

Calendrier d’installation des autres entités

Jean-Marc Ampigny, Gérant d’Essainia, confirme l’objectif, soutenu auprès des partenaires publics, de créer d’autres plateformes de ce type sur le territoire, hors zone C.A.C.E.M., ce afin de répondre au besoin identifié. Cependant compte tenu des nombreuses règles administratives que de tels projets doivent satisfaire, ces réalisations sont aussi soumises aux différents délais d’instructions des dossiers. C’est un aspect souvent déterminant.

Le Directeur, Jean-Bernard Lebeau, en charge du projet dès son origine, poursuit : « Ce type de projet est en effet particulièrement chronophage et relativement lourd. Il requiert les concours simultanés de nombreuses compétences telles que celles de bureaux d’études techniques et juridico-financiers. Il nous appartient en tant que Maître d’ouvrage de les conjuguer pour permettre la suite des opérations. Un horizon de deux à trois ans paraît raisonnable ».

Comment comptez-vous générer du bénéfice ?

Jean-Marc Ampigny :

« Ce qui nous guide n’est pas tant le bénéfice à générer que la satisfaction de participer à l’amélioration de l’environnement de l’île de manière pérenne.

Soyons clairs, le bouclage financier de ce projet a été possible grâce aux partenaires financiers en charge de la gestion des subventions mais il existe grâce à la ténacité des collaborateurs d’Essainia et au soutien qu’ils ont su trouver dès 2014 auprès d’élus majeurs et de leurs techniciens qui, extrêmement motivés par le projet, ont accompagné la réalisation de la plateforme.

Pour en revenir à sa gestion, le projet a été dimensionné par rapport à un besoin estimé, en tenant compte d’une phase de montée en conscience des intervenants et des utilisateurs, donc sur un calcul prospectif à moyen terme. La (faible) rentabilité économique de ce type d’activités, repose donc à la fois sur la conscience écologique des utilisateurs et sur une exploitation performante de l’usine, c’est à dire sur sa capacité à optimiser la siccité des boues afin d’en réduire le volume tout en optimisant les coûts de fonctionnement.

Enfin, l’attente logique des pouvoirs publics est de ne pas créer de distorsion de prix vis à vis de ceux déjà pratiqués par la CACEM afin de ne pas créer un effet d’aubaine qui pourrait conduire les vidangeurs à choisir le lieu de dépotage non pas en fonction de la localisation de leurs prestations mais sur des critères de coût. En effet, une telle situation affecterait sensiblement les bénéfices écologiques (empreinte carbone, encombrement routier, réduction des risques de transport…) que nous visons avec ces projets ! Bref ! Toutes ces contingences nous amènent à devoir trouver une juste équation avec comme paramètres les prix sur le territoire, la performance du système. Essainia vise un équilibre en année 3 de pleine exploitation ».