Depuis 2011, les afflux massifs récurrents de sargasses ont incité les pays touchés à rechercher des moyens de valoriser ces algues. Divers projets ont vu le jour, dans des domaines très variés, qui vont de la nutrition animale à la phytothérapie en passant par la production de biomatériaux.

La présence de métaux lourds dans leur composition et la saisonnalité du phénomène peuvent freiner les entreprises à investir dans la valorisation de cette ressource. Pourtant, une valorisation à forte valeur ajoutée permettrait de rentabiliser, même partiellement, les opérations de collecte et transport. Aujourd’hui, les sargasses continuent à faire l’objet d’études avec de réels potentiels de transformation.

L’ADEME (Agence de la Transition Écologique) suit et accompagne depuis plusieurs années un certain nombre de projets de valorisation (recherche, projet pilote, etc.) aux Antilles françaises.

Comment valoriser les sargasses ?

En dehors des Antilles françaises, des filières de valorisation existent. Selon le guide d’utilisation des sargasses édité en 2020 par le CERMES (University of West Indies) et la FAO (Sargassum Uses Guide, A. DESROCHERS), on dénombre près d’une trentaine de projets de recherche ou industriels liés à la valorisation des algues sargasses dans la Caraïbe. On peut citer Algas Organics à Sainte-Lucie qui produit un biostimulant support de germination. À Porto Rico, on transforme les algues en torchis de production tandis qu’à la Barbade, on en fait du savon. D’autres pays s’orientent vers une valorisation en biocarburants (Trinidad, etc.). Une entreprise mexicaine a introduit les sargasses dans de la pâte cellulosique pour en faire des cartons, des carnets, des produits de papeterie, etc.

Dans le secteur de la construction, on note également le projet porté par l’entrepreneur mexicain Omar Sánchez Vázquez, fondateur de la société Blue-Green, qui transforme ces algues brunes invasives en briques de construction. Une première maison a été construite en quinze jours, avec 2 000 briques, valorisant ainsi 20 tonnes de sargasses. Selon l’entreprise, les maisons « totalement écologiques » présentent un bilan carbone négatif, car les gaz à effet de serre emprisonnés par les algues et le bois excèdent largement la quantité d’énergie totale nécessaire à leur construction.

Et chez nous, que se passe-t-il ?

Un certain nombre de projets portés sur l’identification et la mise en œuvre de filières de valorisation des sargasses ont vu le jour ces dernières années. La plupart de ces projets ont fait l’objet d’un accompagnement financier public (agences publiques de financement,

collectivité territoriale, Etat, FEDER, etc.).

Au bout de deux ans de recherche, le projet ECO3SAR (2018) a pu livrer ses résultats sur la composition des algues et des résidus issus de leur dégradation, notamment au regard de l’arsenic et du chlordécone. Mené avec la participation de la société Holdex Environnement au François (Martinique) qui produit des amendements organiques tels que le compost, ce projet a également permis d’amender les études existantes sur la valorisation des algues par co-compostage. D’après les premières études menées sur le sujet (ADEME, Appel à Projet Sargasses, 2016), l’algue enrichit le compost en oligoéléments et contient des bactéries intéressantes pour l’activation du processus. Après de multiples années de recherche, l’entreprise a pu identifier et mettre en œuvre des procédés de compostage à base de sargasses (10% sur la masse) avec un suivi par analyses physico-chimiques afin de s’assurer notamment du respect des normes relatives aux concentrations en métaux lourds, sable et sodium, auxquelles le compost est soumis (NFU 44051 et NFU 44551). Les résultats de ces analyses s’avèrent à ce jour inférieurs aux normes. À terme, la société devrait pouvoir traiter 30 000 tonnes d’algues.

En 2018, à travers sa filiale SITA Verde, SUEZ s’est intéressé à la valorisation des sargasses en Guadeloupe et a répondu à des appels à projets issus de cette réflexion. Soutenue par l’ADEME, l’entreprise a exploré la valorisation par co-compostage sur un site de traitement existant où 100% des algues réceptionnées ont été traitées. L’entreprise a aussi expérimenté la valorisation énergétique des algues (production de biogaz) dans son installation de traitement de déchets non dangereux à Sainte-Rose. Ces expérimentations n’ont toutefois pas été poursuivies dans le temps.

 

Dans le cadre de l’Appel à Projet (AAP) international Sargassum porté par l’ANR (Agence Nationale de la Recherche), plusieurs projets de recherche sur les sargasses sont en cours en Guadeloupe et Martinique. Les 12 projets retenus touchent diverses thématiques liées aux sargasses, de l’origine du phénomène à la valorisation des algues en passant par la télédétection ou encore la collecte. En ce qui concerne la valorisation, différentes voies de valorisation sont explorées, dont principalement : la production de charbons actifs/biochars/bio-oils, la production de biostimulants, la production de cartons et la méthanisation. En Guadeloupe, dans le cadre du projet PYROSAR, l’Université des Antilles (UA) cherche à isoler les molécules contenues dans les sargasses pour tester des applications en pharmacologie et agroalimentaire, mais également à transformer les sargasses en charbon actif qui permettrait de fixer les molécules de chlordécone. En Martinique, The Marine Box (projet SAVE-C), start-up créée voilà 3 ans a eu l’idée de valoriser les algues en les intégrant dans des cercueils destinés à la crémation. Composé de sargasses (60%), de fibres de banane (30%) et de fibre de coco (10 %), ce produit affichait un indice écologique relativement élevé. La start-up souhaitait aussi se pencher sur la production d’emballages en carton.

Focus : Terre d’algues

Terre d’algues est un projet collaboratif piloté par l’agence In Situ Architecture et cofinancé par l’ADEME dont l’objectif est de produire des biomatériaux pour le secteur du BTP.  L’idée de ce projet est venue avec le constat d’un manque de valorisation de matériaux (argile, tuf, bois, etc.) dans le secteur de la construction en Martinique.

Dans le cadre de ce projet, le partenariat établi entre IN SITU, le Cerema (Centre d’2tudes et d’Expertise sur les Risques, l’Environnement, la Mobilité et l’Aménagement) et les sociétés Nobatek INEF4 et Tox Sea In doit aboutir à l’élaboration d’un matériau de construction à base de terre (en excès sur les chantiers de construction), d’algues sargasses (jusqu’à 85 %) et de liants naturels. Ces composants pourraient servir à fabriquer des briques et des panneaux par exemple. Il pourrait en résulter un bilan carbone positif, d’autant que la sargasse capture et stocke du CO2. On note également que pour transformer l’algue en matériau de construction, le besoin énergétique s’avère très faible.

Des études sont en cours pour vérifier la faisabilité d’utilisation des écomatériaux produits au regard des normes actuelles et en vue de monter un pilote d’expérimentation, avant commercialisation.

Les produits issus de l’agriculture (banane, canne à sucre, ananas, coco…).

Ces matériaux sont valorisés pour des applications en isolation, en décoration et en composites. Ils sont issus de l’agriculture, notamment des cultures de la canne à sucre, de la noix de coco, de l’ananas et de la banane, quatre productions potentiellement intéressantes pour fabriquer localement des écomatériaux.

En effet, en Martinique, une entreprise est sur le point de transformer les résidus de bagasse de canne à sucre en isolant sous toiture.

Les fibres de bananiers sont valorisées par une entreprise de placage (voir article p. 192).

La fibre de coco est utilisée dans le traitement des eaux usées (Procap utilise le biofiltre à coco). Une solution d’assainissement durable, économique, écologique, et particulièrement adaptée aux spécificités climatiques de nos régions.