L’afflux important et continu d’algues sargasses qui affecte actuellement les côtes des Caraïbes et des États-Unis est le pire depuis 2011. Leur impact économique se compte en millions d’euros, notamment dans l’industrie du tourisme et les émissions de sulfure d’hydrogène (H2S) et d’ammoniaque (NH3) qui y sont associées ayant un effet significatif sur la santé des populations côtières.
En Guadeloupe, les zones les plus touchées sont les Îles du sud (Les Saintes, Marie Galante et la Désirade), La Riviera du Levant et le secteur compris entre Goyave et Capesterre Belle-Eau : 30 sites prioritaires d’échouages identifiés sur lesquels ont été déployés autant de chantiers de ramassage au plus fort de la crise. Rappelons que les sargasses – compte-tenu du fait que c’est un phénomène dont on sait qu’il est maintenant récurrent – ne peut pas relever du régime de catastrophe naturelle qui revêt un caractère exceptionnel.
L’APPEL A PROJET
Face à cette situation, le 3 octobre 2018, en concertation avec les services de l’État, l’ADEME, la DEAL, la Délégation à la recherche et à la technologie et avec l’ANR (Agence Nationale de la Recherche), l’Appel à projets « Recherche, développement et innovation » sur la problématique des échouages d’algues sargasses a été lancé. Cet appel à projets a pour objectif d’apporter des solutions pragmatiques et enrichir les connaissances quant à ce phénomène qui affecte les îles du bassin caribéen. Différents acteurs de la Caraïbe et d’Europe ont manifesté leur intérêt et leur souhait d’être associés ou de suivre activement les résultats de la démarche. L’appel comprend 4 thèmes…
- Caractérisation des sargasses : Physiologie, génétique, biochimie, morphologie, démographie
Ce thème mettra l’accent sur l’identification des différentes espèces et la détermination de leur origine, de leurs caractéristiques comportementales, de leurs schémas de reproduction et démographiques et des interactions écologiques associées. Il faudra également identifier les facteurs d’augmentation de la prolifération, tels que l’influence de l’Amazonie et des fleuves africains, ainsi que les apports chimiques associés, y compris ceux de contaminants tels que le cadmium, l’arsenic, la chlordécone, etc.
- Prévision de la formation des bancs de sargasses et des trajectoires en mer et en proche littoral
Ce thème examinera l’accumulation des bancs de sargasses, leur trajectoire en haute mer et les options pour le développement de systèmes d’alerte opérationnels pour l’échouage d’algues et leurs effets possibles sur le site.
Les candidats doivent élaborer des stratégies de recherche qui peuvent améliorer la fiabilité et la précision des outils de prévision existants. Cela impliquera l’extension des bases de données, des techniques analytiques, l’exploration de nouvelles sources d’images, ainsi que des investigations de vérification sur le terrain qui recouperont les prévisions avec les connaissances locales et l’échouage réel.
- Techniques de collecte en mer et au sol et procédés de traitement et de valorisation innovants
– La partie collecte concernera à la fois la recherche industrielle et le développement expérimental. Son objectif sera de proposer des méthodes et des technologies innovantes et peu coûteuses pour protéger les plages des apports massifs d’algues en les collectant en mer près du rivage, dans les sédiments côtiers ainsi que sur les plages. Des tests devront être effectués sur des échouages réels et évalués sur le terrain dans l’ensemble des opérations clés. Afin de réduire les coûts de transport, ils devraient également évaluer la faisabilité de mesures de réduction des coûts (prétraitement) telles que le séchage et le compactage.
– La partie valorisation utilisera la recherche fondamentale et appliquée pour explorer les moyens de valorisation des sargasses. Parmi les options possibles : l’utilisation dans la production d’énergie, l’agriculture (à l’exclusion de l’épandage direct), le développement de biomatériaux et l’extraction de molécules bioactives de grande valeur (y compris les produits phytopharmaceutiques).
- Impacts économiques, sanitaires et environnementaux et stratégies de gestion et d’adaptation
Ce thème vise à préciser les impacts des sargasses et à définir des solutions et des stratégies d’adaptation qui peuvent atténuer les effets négatifs. Dans ce contexte, des études d’impact seront nécessaires en ce qui concerne…
La santé humaine, maladies (exposition au H2S, NH3, stratégies de détection et seuils d’alerte), cinétique de la dégradation des sargasses et des gaz libérés, questions épidémiologiques…
La santé environnementale, avec un accent particulier sur les récifs coralliens, les mangroves, les zones humides, les herbiers marins, les espèces emblématiques, les tortues et les espèces de pêche.
Les influences socio-économiques, y compris le tourisme, la pêche et les conséquences économiques sur les entreprises en raison des maladies de la main-d’œuvre et les impacts concomitants sur le secteur de l’assurance.
Pour tenter d’atténuer l’impact des efflorescences de sargasses, les actions du thème 4 devront s’appuyer sur un large éventail d’intérêts des parties prenantes, notamment des organisations gouvernementales, non gouvernementales, sectorielles, commerciales et universitaires.
En attendant les résultats de l’appel à projet…
Depuis le mois de mai 2018, une « Mission sargasses » a été mise en place par le préfet. Cette mission est interministérielle (tous les services, agences et établissements publics de l’Etat concernés) et partenariale (toutes collectivités). Elle se réunit chaque semaine sous la présidence du sous-préfet – le « coordinateur sargasses » – et aborde toutes les questions en lien avec les sargasses : niveaux d’échouages et d’enlèvement, information sur le volet sanitaire, accompagnement de l’État pour faciliter l’enlèvement rapide des sargasses (aide aux collectivités pour l’achat de matériel d’enlèvement et indemnisation des collectivités qui on recours à des moyens privés d’enlèvement), etc.
Dans ce cadre, un groupe d’experts a été mis en place. Il est chargé d’émettre un avis sur toute technique nouvelle d’enlèvement et de valorisation. Il est en relation étroite avec la Région dans le cadre de l’appel à projet lancé en octobre.
La Mission Sargasses a mis en place, avec la CCI, un guichet unique destiné à aider les entreprises impactées par les échouages. 128 entreprises ont été concernées pour 235 salariés avec une estimation des pertes évaluée à 1.3M€. Une réponse réactive a été proposée autour de l’organisation d’un guichet unique assuré par la CCI des îles de Guadeloupe associant la DRFIP, la CGSS, la CGRR, la DIECCTE, BpiFrance Guadeloupe et l’IEDOM. Des enquêtes individuelles et un soutien au cas par cas, ont pu donner lieu à la suspension des poursuites, l’établissement de moratoires, l’allocation d’aide à l’activité partielle, etc.
Au plus fort de la crise deux communes ont fait le choix de procéder à des fermetures ou à des délocalisations temporaires : Goyave et Petit Bourg. Ces mesures préventives et très limitées dans le temps ont été gérées en étroite relation avec le rectorat. La « mission sargasses » travaille actuellement à la finalisation d’un plan d’éloignement des populations dans l’hypothèse d’exposition durable aux phénomènes d’échouage.
Calendrier de l’appel à projet Sargasses :
- Fin avril 2019 : Évaluation scientifique (réunion)
- Mai 2019 : Décision de financement
- Sept 2019 : Début des projets – Réunion de lancement