La loi ELAN a été publiée au Journal Officiel du 24 novembre 2018. Cette loi portant l’Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique (ELAN) dont l’objectif affiché est de « construire plus, mieux et moins cher » est pourtant loin de faire l’unanimité chez les professionnels. Les architectes, en particulier, ont depuis le début pointé les conséquences graves de la loi sur la qualité architecturale et le cadre de vie, en entérinant une approche erronée du logement et une déréglementation des marchés publics.… Sur cette prise de position, Le Conseil Régional de l’Ordre des Architectes de Guadeloupe est solidaire des actions du CNOA1.

PRINCIPES DE LA LOI ELAN

Réformer les procédures et le domaine normatif

  • Encadrer mieux les procédures contentieuses contre les permis de construire pour lutter contre les recours abusifs et plus généralement en facilitant le traitement des contentieux en matière d’urbanisme qui retardent la réalisation des opérations
  • Faciliter la mobilisation du foncier public

Favoriser l’évolution du secteur du logement social

  • proposer une réforme structurelle du secteur du logement social, pour le consolider sur la durée et qu’il réponde mieux à ses missions
  • réorganisation et regroupement des organismes HLM, tout en tenant compte des spécificités de chaque territoire
  • simplification du cadre juridique applicable aux bailleurs sociaux ainsi que la facilitation de l’accession sociale à la propriété pour les locataires HLM par la vente de certains logements sociaux
  • favoriser la mobilité et la mixité sociale, dans le parc social comme dans le parc privé en augurant la mise en place d’un « nouveau bail mobilité »

Réguler l’offre de location privée

  • lutter contre les marchands de sommeil proposant des logements indignes à la location
  • prévenir et résorber plus rapidement les copropriétés dégradées, afin d’éviter l’enchainement des problèmes liés à l’insalubrité et à l’insécurité
  • encadrement des loyers privés, dans les zones tendues et sur la base du volontariat des collectivités locales
  • possibilité de réquisition de locaux vacants pour permettre l’hébergement de personnes à la rue
  • augmenter le nombre de logements proposés à la location dans les secteurs touristiques en appliquant de fortes pénalités aux locations touristiques jugées abusives

Améliorer le cadre de vie et réduire la fracture territoriale

  • accompagner la rénovation des centres villes dégradés des villes moyennes
  • mobiliser localement tous les acteurs publics et privés pour la rénovation des logements et améliorer le cadre de vie des habitants
  • favoriser l’implantation de commerces de proximité dans les centres urbains et réguler leur implantation à l’extérieur, sans prévoir pour autant un gel systématique de ces derniers

Réduire la fracture énergétique et numérique

  • obligation de travaux d’économie d’énergie dans les bâtiments tertiaires pour atteindre les objectifs du Plan Climat
  • lutter contre les « zones blanches » de téléphonie
  • accélérer le déploiement du très haut débit sur l’ensemble du territoire à l’horizon 2022

Remerciements à Michael Marton, 1er vice président du Conseil Régional de l’Ordre des Architectes de Guadeloupe

CNOA: Conseil National de l’Ordre des Architectes

LA LOI ELAN ADOPTEE : CE QUI VA CHANGER POUR LES ARCHITECTES

Jusque là principalement encadré par la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, dite loi MOP, le droit de la construction publique est directement affecté.

La Loi Elan supprime l’obligation de concours pour bailleurs sociaux et les CROUS :

lorsque le montant du marché de maîtrise d’œuvre ayant pour objet la construction d’un bâtiment est supérieur au seuil de 221 000 euros HT. Avec ce concours, l’acheteur devait choisir, après mise en concurrence et avis du jury, un plan ou un projet, notamment dans le domaine de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, de l’architecture et de l’ingénierie ou du traitement de données. Pour les architectes cela signifie une réduction de la mise en concurrence au simple montant des honoraires et non à la qualité de la réflexion architecturale donc de notre cadre de vie.

La Loi Elan généralise la conception-réalisation 

La loi MOP reposait sur le principe de la distinction entre la fonction de maître d’œuvre et celle de l’entrepreneur chargé de la réalisation de l’ouvrage même si la loi prévoyait quelques dérogations étendues au fil des années. Avec la loi ELAN, les bailleurs sociaux pourront utiliser librement la conception-réalisation : cette procédure devient une procédure de droit commun dans le cadre de la réalisation de logements sociaux. Les CROUS aussi pourront l’utiliser librement jusqu’au 31 décembre 2021. Il sera également possible d’utiliser la conception-réalisation pour la construction d’un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur. Le processus de conception réalisation fait que l’architecte devient un co-traitant de l’entreprise et est soumis à la loi économique de l’entreprise mandataire. Ceci signifie une réduction drastique du champ de la conception ainsi que de la mission qui permet à l’architecte de défendre les intérêts du maître d’ouvrage public face à l’entreprise.

La Loi Elan réduit le champ d’intervention des architectes 

Les coopératives d’utilisation de matériel agricole (les CUMA) sont désormais dispensées de recours à un architecte pour toute opération de constructions dont la surface de plancher est inférieure à 800 m2.

Actuellement le recours à l’architecte est obligatoire pour l’établissement du projet architectural et paysager (PAPE) d’un permis d’aménager d’un terrain d’une surface supérieure à 2500 m2. Avec la Loi Elan un aménageur pourra désormais faire appel à un paysagiste concepteur.

Ces deux dispositions sont entrées en vigueur immédiatement.

La Loi Elan réduit le rôle des architectes des bâtiments de France (ABF)

Les « ABF » ne pourront plus s’opposer à l’apparition d’antennes ou d’armoires techniques liées aux installations téléphoniques dans les zones protégées, autour des monuments classés en particulier. Ils ne pourront plus non plus empêcher la démolition (et le remplacement) de bâtiments jugés insalubres et dangereux, s’ils sont situés dans ces périmètres. Seul l’avis des ABF est désormais requis alors ces travaux étaient soumis à leur accord.

Suite à l’adoption définitive de la loi ELAN et à l’application immédiate de certains articles, l’ordre des architectes va continuer et renforcer ses actions de sensibilisation auprès des élus, des aménageurs et de bailleurs sociaux afin d’essayer d’éviter les dérives dommageables pour la qualité de notre cadre de vie…

 

REACTIONS ET PRISES DE PAROLE : REVUE DE PRESSE

Nombre d’association d’architectes diverses n’ont cessé d’alerter sur les dangers de la loi ELAN.

Le collectif « Ambition Logement », qui rassemble des associations d’usagers, de protection du patrimoine et de l’environnement, et des professionnels du secteur de la construction déplore un « texte servant avant tout les intérêts financiers des grands groupes et des promoteurs ».

Tribune parue dans le journal Le Monde, signée par huit architectes lauréats du Grand Prix de l’architecture : « Avec la loi ELAN, l’architecture est réduite à portion congrue. » 

« Les équipements publics, les logements sociaux seront ainsi construits sans aucune règle spécifique applicable à la maitrise d’œuvre. »

« Cette régression traduit en premier lieu, une méconnaissance des fondements même du projet d’architecture et mènera à une perte de savoir-faire mortifère pour l’architecture en France. »

« Nous avons besoin dans notre pays de plus d’architecture, nous n’avons pas besoin d’un projet de loi qui réduit l’architecture au pire à une autorisation d’urbanisme, au mieux à un supplément d’âme. »

« La Loi Elan piétine l’architecture » – Jean-Claude Martinez, président de la Mutuelle des architectes français (MAF)

« La loi ELAN (…) tend à rendre optionnelle la présence des architectes sur les chantiers et tout au long des projets. »

« Ainsi, l’intérêt public de l’architecture se limiterait maintenant au permis de construire. »

« Cela ne permet pas de faire les économies annoncées : les honoraires des architectes pèsent à peine 3 % du bilan global d’une opération immobilière. »

« Les architectes ne défendent pas des intérêts corporatistes. Ils défendent la culture et l’ambition que doit avoir leur pays pour la création de la ville de demain. »