Fort de ses 50 ans d’expérience, le CNES s’est vu confier par l’Agence spatiale européenne (ESA) le développement du futur ensemble de lancement d’Ariane 6, baptisé ELA 4. Il s’agit du 9e pas de tir construit au CSG par le CNES, un projet hautement ambitieux tant en termes de réduction des coûts de construction que de délai. En effet, alors que le développement du programme est planifié sur 5 années, un premier vol est d’ores et déjà prévu pour mi-2020.
Performances renforcées, coûts d’opérations diminués
C’est dans un contexte de forte concurrence, notamment avec l’arrivée de l’opérateur américain SpaceX sur le marché commercial que les Etats membres de l’ESA ont décidé d’unir leurs moyens pour disposer d’un accès autonome à l’espace. Ainsi, en décembre 2014, la majeure partie de ces Etats ont consenti au financement du développement des lanceurs Ariane 6 et Vega-C à hauteur de 4,3 milliards d’euros, dont 600 millions d’euros consacrés à la construction d’un nouveau pas de tir au CSG, dédié à ariane 6.
Le développement du système de lancement Ariane 6 a été élaboré dans la perspective de réduire de moitié les coûts d’exploitation et de maintenance de ses installations par rapport à Ariane 5.
Cet objectif économique traduit la volonté de l’ESA de garantir l’exploitation du programme en se passant de tout soutien financier de la part du secteur public. C’est dans cette même perspective qu’il a été décidé d’un changement de gouvernance ; dès lors une meilleure répartition des investissements et des risques permettra de mettre en lumière d’une part les responsabilités du secteur public (l’ESA) et d’autre part celles du secteur privé (l’industrie spatiale européenne).
Ariane 6, le bénéfice de l’expérience
La construction du nouveau pas de tir a débuté dans l’enceinte du CSG sur environ 170 ha situés à 5 km au nord-ouest de l’ELA3, le site de lancement d’Ariane 5.
Pour cela, les retours d’expérience de l’exploitation des pas de tir Ariane 4, Ariane 5, Vega et Soyuz ont conditionné les grandes orientations techniques du chantier.
Inspiré par le meilleur des autres ensembles de lancements, le projet ELA 4 s’enrichit des technologies développées depuis 50 ans par le CNES. Les structures sont moins volumineuses et le nouveau complexe de lancement a été simplifié avec deux zones principales : le bâtiment assemblage lanceur (BAL) et la zone de lancement (ZL). Dans cette dernière, le portique mobile de 90 mètres de haut deviendra, à l’issue du chantier le plus gros bâtiment pyrotechnique d’Europe.
Ce qui évolue avec Ariane 6 | |||
Ariane 5 | Ariane 6 | Objectifs escomptés | |
Lancements annuels | 7 | 11 | Améliorer la compétitivité |
Durée d’une campagne de lancement | 32 jours | 15 jours | Améliorer la compétitivité et réduire les couts |
Infrastructures de l’ensemble de lancement | 3 zones (le Bâtiment d’Intégration Lanceur, le Bâtiment d’Assemblage Final et la Zone de lancement) | 2 zones (une zone de préparation et une zone de lancement) | Réduire les couts de maintenance et d’installation |
Intégration du lanceur | A la verticale | A l’horizontale | Simplifier la mise en œuvre du lanceur
et limiter les risques liés au travail en hauteur |
Bâtiments d’intégration du lanceur | BIL : 58 mètres
BAF : 83 mètres |
BAL : 20 mètres
Portique : 90 mètres
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Des formations insolites pour de jeunes Guyanais
La volonté d’intégration des activités spatiales dans le tissu socio-économique de la Guyane conduit le CNES à mettre en place des clauses d’insertion, valables pour l’ensemble des contrats passés avec l’industrie pour le développement du pas de tir Ariane 6 et des moyens de production associés.
En ce sens une convention a été signée entre le CNES et le Groupement des Employeurs pour l’Insertion et la Qualification du BTP (GEIQ BTP) le 18 juin 2015. Cet accord a pour but de favoriser durablement l’insertion socio-professionnelle des jeunes en difficulté d’accès à l’emploi, pendant la durée des chantiers de construction de l’ensemble de lancement d’Ariane 6. C’est ainsi que durant la phase des terrassements généraux de juin 2015 à mai 2016, dix-huit jeunes guyanais avaient déjà effectué un parcours qualifiant, accompagnés et encadrés par du personnel dédié. Ils ont été formés aux métiers de chauffeur, de conducteur d’engin et d’assistant topographe ou d’aide-laborantin. Quatre d’entre eux ont été embauchés à l’issue de leur parcours.
Actuellement, le chantier accueille une soixantaine de stagiaires, sélectionnés puis encadrés par des tuteurs, l’objectif étant de former 80 jeunes à l’issue du programme.
Outre l’assurance de bénéficier d’une formation attrayante, ces jeunes aux parcours parfois disparates sont, à l’issue de celle-ci, détenteurs d’une expérience notoire à faire valoir sur le marché de l’emploi.
Des retombées économiques en faveur de la Guyane
Financé par l’ESA, le projet Ariane 6 est soumis à la notion de « retour géographique ». C’est-à-dire que les Etats membres financeurs du projet doivent obtenir en compensation des contrats pour leurs entreprises nationales. L’apport de la France s’élevant à 44,5%, la réalisation des infrastructures de l’ELA4 a ainsi été attribuée au groupement ECLAIR6 piloté par EIFFAGE Génie Civil pour un montant total de 200 millions d’euros. Ce contrat, inclus dans le contrat de 600 millions d’euros dédiés au développement des infrastructures au CSG devrait générer près de 94 millions d’euros d’activités réalisées par des sociétés guyanaises.
En effet, alors que le groupe Eiffage, expert dans les métiers du bâtiment et génie civil, a obtenu le marché de construction, ce sont une quarantaine de sociétés guyanaises sélectionnées par le groupe, qui œuvrent actuellement à la réalisation du projet dans le cadre de contrats de sous-traitance. Ainsi, tous les transports de matériaux sont assurés par un groupement de transporteurs locaux. Il en va de même pour la production de béton estimée à 50 000m3 et réalisée par ARGOS. La carrière de la Carapa produit les matériaux nécessaires au chantier. D’autres entreprises telles que Guyaloc, GLS, GETRA, Batipro, Le Chevillier ou BatiSoleil interviennent sur le chantier pour la réalisation de gros-œuvre sur les petits bâtiments comme les locaux techniques et la location d’engins de chantier.
Les retombées économiques pour le territoire guyanais devraient atteindre une centaine de milliers d’euros environ.
Conserver la mainmise sur le marché aérospatial
Si le programme Ariane 6 se veut garant d’un accès indépendant à l’espace pour l’Europe, cela doit également se faire au coût global le plus bas. En effet, le programme Ariane 6 devra offrir aux institutions européennes des services de lancement les plus compétitifs par rapport aux lanceurs concurrents.
Ainsi l’ELA 4 prévoit d’équilibrer les rôles en fonction des investissements et des responsabilités entre, d’une part les Etats membres qui garantissent un accès à l’espace et d’autre part l’industrie, qui œuvre sur le marché commercial.
A terme et face à la montée de lanceurs compétitifs, il s’agit aujourd’hui pour le groupe aérospatial européen de maintenir et d’accroitre la compétence européenne en matière de lanceurs et ce, sur le long terme. Arianespace, gage de fiabilité, entend bien maintenir sa position en misant sur sa notoriété et sur de nouveaux modes de production.
Par ailleurs, l’opérateur de lancement a d’ores et déjà annoncé la commande de quatre nouveaux satellites du programme Galileo à bord de deux Ariane 6, entre fin 2020 et mi-2021, depuis le CSG.