Pour passer de la théorie à la pratique, un retour d’expérience été réalisé par le biais d’une étude menée par l’ADEME, en collaboration avec la DEAL et la CTM, sur des bâtiments ayant fait l’objet d’une démarche environnementale et qui dépassent les ambitions de la réglementation thermique Martinique.

Cet exercice qui porte sur l’efficacité énergétique, l’impact environnemental et le confort a pour objectifs de collecter les retours chiffrés, d’analyser les problématiques rencontrées, de relever des points critiques et d’amener à la préconisation de matériaux, d’installations, d’évaluer les fonctionnements et la maintenance d’équipements. En un mot, de mettre en avant les enseignements tirés de cette étude.

Huit bâtiments à la loupe

Les résultats de l’investigation ne se veulent pas exhaustifs dans la mesure où ils découlent d’une étude réalisée sur seulement huit bâtiments ayant suivi une démarche performante à l’heure actuelle en Martinique. Le panel porte donc sur huit bâtiments construits entre 2009 et 2017 : cinq sont des bureaux climatisés et trois – locaux scolaires et commerciaux – sont ventilés naturellement. Il s’agit de bâtiments tertiaires accompagnés par l’ADEME, en assistance à maîtrise d’ouvrage en phase de conception et de travaux.

Quels objectifs ?

A l’issue des démarches environnementales, l’objectif était de voir si la qualité et la performance atteignent le niveau des attentes. Et ce, sur différents sujets : l’enveloppe du bâtiment, les usages (systèmes de climatisation et de ventilation, éclairage…) et le confort.

Il semblait également important de prendre en compte un paramètre souvent négligé en phase de conception, l’appropriation des bâtiments par les usagers.

Quels dispositifs ?

Dans le cadre d’un audit énergétique, ces bâtiments ont été instrumentés de manière à enregistrer les mesures électriques et évaluer les différents postes de consommation.

Le résultat des analyses demande à être pondéré selon les commentaires des usagers. Aussi, se pose la question de la juste adaptation des outils de mesure supposés évaluer le confort ressenti par les usagers…

Rencontre avec Agathe Camboly, ingénieure en énergie bâtiment à l’ADEME

Quels sont les retours enregistrés ?

– Avant tout, je tiens à insister sur le fait que l’étude et l’instrumentation ayant été réalisées sur huit bâtiments, on ne peut en tirer de conclusions péremptoire. Il faut plutôt y trouver des clefs permettant de corriger certaines erreurs.

Globalement, on a constaté que l’ensemble des bâtiments avait été bien conçu. Au niveau de la toiture, l’isolement a permis de limiter considérablement les déperditions thermiques, avec un impact positif sur la consommation des bâtiments climatisés et le confort des occupants.

Un des points faibles observés concerne la protection des façades où, selon la période de l’année (en fonction de la course du soleil), les casquettes, débords de toiture ou brise-soleil n’offraient pas de protection solaire suffisante au niveau des vitrages pourtant à faible facteur solaire. Du coup, le rayonnement direct du soleil a pu poser des embarras de chaleur et d’éblouissement pour certains usagers exposés.

En terme d’éclairage, on s’est rendu compte que certains bâtiments présentaient une intensité lumineuse trop élevée, due à un surdimensionnement de l’éclairage par rapport aux préconisations du code du travail générant surconsommations et inconfort visuel. Afin de se protéger de cet excès de luminosité, les usagers ont donc trouvé des moyens « rustiques » pour occulter partiellement l’éclairage.

On a aussi relevé que certains bâtiments en ventilation naturelle avaient fait l’objet d’incompréhensions quant à leur orientation, supposée bénéficier du potentiel maximal de prise au vent. Ainsi, à cause d’un léger décalage par rapport à l’orientation prescrite, le confort attendu n’était pas au rendez-vous et il a fallu envisager l’installation d’une climatisation.

Quelques équipements se sont révélés inadaptés à l’utilisation à cause de commandes trop compliquées, mal positionnées, inaccessibles…

Ces imprévus, ces défauts décelés à l’utilisation semblent pourtant faciles à éviter à condition d’impliquer, en amont de la construction, tous les utilisateurs du bâtiment et de mettre l’utilisateur au centre des préoccupations afin de penser des équipements ergonomiques et faciles à gérer. Leurs besoins doivent être entendus afin de pouvoir être anticipés.

Existe-t-il des modalités pour que les usagers s’approprient réellement des bâtiments ?

Justement, un certain nombre de remarques récurrentes semblent provenir d’un manque d’appropriation des bâtiments par les usagers. En règle générale, les bâtiments livrés sont performants. Et idéalement, ils devraient continuer à l’être après intégration des occupants. Par conséquent, il serait utile de leur réserver un « mode d’emploi » des commandes essentielles : gradation de l’éclairage, réglage de la température de consigne de la climatisation, modalité de la ventilation, gestion des énergies…

Ces postes sont à la base des dérives énergétiques imprévues observées sur les courbes de charges de consommation la nuit ou le week-end (voir graphe 1). Ces dérapages ont été enregistrés principalement sur les bâtiments non équipés de coupure automatique et représentent environ 15 % des consommations du poste climatisation du bâtiment.

Parmi les axes d’amélioration, on peut préconiser l’identification d’une personne qui accompagnerait les occupants afin de les informer, les conseiller et répondre à leurs questions pour les amener à maîtriser l’environnement dans lequel ils évoluent.

Les maîtres d’ouvrage pourront prendre la pleine mesure de ces résultats et faire en sorte que les bâtiments ayant entrepris la démarche de la performance énergétique tirent les bénéfices de leurs efforts.

 

Etat des lieux

Tous les secteurs devraient être concernés par la recherche d’une optimisation de la maîtrise en énergie. Et malgré leur faible représentativité, les entreprises, collectivités et industrie étaient, en 2015, les plus gros utilisateurs d’électricité avec près de 48 % de la consommation électrique globale martiniquaise (chiffres OMEGA 2015).