La reconstruction des îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy va t elle commencer ?

En novembre dernier, le gouvernement et la collectivité territoriale de Saint-Martin ont signé un protocole de coopération pour une « reconstruction exemplaire et solidaire ». Un document de travail créé sur les recommandations de Philippe Gustin, délégué interministériel à la reconstruction des îles du Nord, nommé au lendemain du passage de l’ouragan Irma. Il est en cours d’évolution avec la participation des différents acteurs locaux de la construction (DEAL, Architectes, bureaux d’études, contrôleurs techniques, assureurs, etc.).

Annick Girardin, ministre des Outremer, a déclaré : « Tout le monde reconnaît que la destruction de l’île par le cyclone est le résultat d’une fragilité antérieure à laquelle il faut remédier« . Il est clair que les règles devront changer si l’Etat s’engage. Et la phase de transition que l’on subit actuellement prend du temps, beaucoup de temps. « C’est la phase la plus délicate… il faut accepter le temps du diagnostic, du retour de l’expérience », reconnaît Philippe Gustin.

S’organiser

Le directeur du bureau d’Ingénierie Guez Caraïbes a installé, immédiatement après la catastrophe, une agence sur place afin de pouvoir répondre aux différentes demandes des sinistrés, des compagnies et experts d’assurances et des syndics de copropriétés.

Il a accepté de nous livrer ses impressions :
« Le système français est long, les décisions lentes. En priorité, il a fallu organiser une mise en sécurité des lieux occupés (beaucoup s’avéraient dangereux pour les riverains) et une protection des ouvrages contre de nouvelles dégradations. A la demande des assurances, notre mission a commencé par une prescription et un suivi des travaux pour la mise en sécurité des sites – étape indispensable pour limiter les dégâts et conserver ce qui pouvait l’être. Notre travail, ensuite, a consisté à établir des dossiers d’estimations pour la réparation et la reconstruction de façon durable ».
« Corriger ce qui a été mal fait »
Dans les rapports officiels, sont précisées les déficiences constructives et techniques récurrentes : sous-dimensionnement des ouvrages, malfaçon dans la réalisation, matériaux de mauvaise qualité, auto-construction …
« Force est de constater que Saint-Martin a souvent été mal construite et mal conçue à bien des niveaux ». Il s’en explique : « Les mauvais bétons constituent un premier problème. Il y a vingt ou trente ans, les problèmes d’eau douce sur l’île étaient récurrents. Nombreux sont ceux qui ont utilisé des sables de mer non rincés ou même de l’eau de mer dans la composition des bétons. Ce qui a généré une carbonatation – véritable cancer s’attaquant au matériau -, une oxydation des aciers et donc, une très forte diminution de la résistance des structures.
Lorsque le cyclone est passé, beaucoup de ces bétons n’ont pas tenu et se sont désagrégés.
Une autre raison à ces dégâts spectaculaires réside dans l’architecture de certains bâtiments, incompatibles avec le climat des îles du Nord de la Caraïbe.
 En effet, les îles du Sud de la Caraïbe ne sont pas soumises aux mêmes conditions climatiques que celles du Nord, où les phénomènes cycloniques sont bien plus violents. On note d’ailleurs que sur l’ile voisine Saint-Barthélemy, les grands débords de toiture sont remplacés par des acrotères béton bloquant la prise au vent. Peut-être que le boom immobilier, suite aux lois de défiscalisation dans les années quatre-vingts dix, ayant fait appel à des architectes extérieurs à la région et sans grande expérience ou culture architecturale locale, a favorisé ces constructions non adaptées aux contraintes climatiques locales ».

La question de l’urbanisation

« La révision des documents officiels pose la question de l’urbanisation dans la zone côtière et de l’application stricte de la loi littorale. Attention, la proximité de la mer n’est pas la cause principale des dégâts constatés. Si l’architecture est cohérente, si les règles de construction sont respectées et si les matériaux utilisés sont de qualité, les bâtiments résistent. Il faut donc relativiser la stricte application de la loi littorale ».
Il convient de rappeler que les touristes viennent à Saint-Martin, surtout, pour profiter des côtes, des plages et de la proximité de la mer. »
Monsieur Gustin a abordé la question : « il faut tenir compte des zones d’intérêt stratégique, mais on a des normes de construction qu’il faut appliquer et contrôler… »
Sur ce sujet, Daniel Gibbs, Président du conseil territorial de Saint-Martin, rappelle que « 95 % de l’économie est touristique… Sur toutes les îles voisines, Saint-Barth comprise, on trouve des hôtels sur les plages. Et ce ne serait pas le cas à Saint-Martin, au motif que ce serait dangereux ? »
« Nous partageons cette position » ajoute le directeur de Guez Caraïbes, « il serait absurde d’interdire les bâtiments en bordure de littoral, tout au plus les bâtiments d’hébergement. En effet, on peut envisager ces édifices comme des constructions éphémères, à caractère transitoire avec des  structures légères, faciles à démonter, temporaires…  comme il en existe sur toutes les plages du monde ».

« Qu’en est-il six mois après ? »

« La volonté de tout un chacun pour bien construire ou bien reconstruire ne suffit pas.
Six mois après, la reconstruction tant attendue qui devait démarrer sans délais, n’a toujours pas commencé. Les dossiers d’assurance traînent, l’intervention de l’état sur la réhabilitation des bâtiments publics et des logements sociaux se fait attendre. Beaucoup de gens continuent à vivre dans des conditions difficiles en appréhendant l’arrivée de la prochaine saison cyclonique… »